Retraite progressive dès 60 ans : un choix attractif mais à manier avec prudence

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À partir du 1er septembre 2025, la retraite progressive devient accessible dès 60 ans, quel que soit l’âge légal de départ. Cette réforme élargit considérablement le dispositif, autrefois réservé aux assurés à deux ans de la retraite. Mais si la transition en douceur séduit, elle n’est pas sans conséquences financières sur le revenu immédiat comme sur la pension définitive.
 

Une ouverture élargie à tous les actifs
Jusqu’à présent, la retraite progressive s’adressait uniquement aux salariés et indépendants ayant atteint l’âge légal de départ moins deux ans – soit 62 ans pour les générations nées à partir de 1968. Désormais, l’extension du dispositif permet d’en bénéficier dès 60 ans, indépendamment de l’année de naissance. Tous les actifs sont concernés : salariés du privé, fonctionnaires, professions libérales, avocats, exploitants agricoles. Les régimes complémentaires, notamment l’Agirc-Arrco pour les salariés, sont également inclus.
 

Les conditions pour en profiter restent identiques : avoir validé au moins 150 trimestres tous régimes confondus et exercer une activité à temps partiel ou réduire ses revenus dans certaines limites. Concrètement, le salarié perçoit une fraction de sa pension en complément d’un revenu professionnel réduit. Pour les fonctionnaires, la réduction est liée au temps de travail ; pour les indépendants et libéraux, au revenu déclaré.
 

Un tel élargissement répond à une double logique : accompagner le vieillissement de la population active et favoriser une sortie progressive de l’emploi, plus douce pour les intéressés comme pour les entreprises. Mais cette souplesse n’efface pas la question clé : tout le monde peut-il réellement se permettre ce choix ?
 

Mais il est indispensable de réaliser des simulations pour mesurer l’impact de cette décision. Prenons l’exemple type d’une salariée née en 1968, entrée dans la vie active à 21 ans et ayant validé 156 trimestres à 60 ans. Son salaire annuel moyen s’élève en 2025 à 33 502 euros nets (hors impôt à la source). En cas de passage à une retraite progressive avec un temps de travail réduit à 40 % – le plancher prévu par la réglementation – les effets financiers se font sentir à deux niveaux.
 

Des effets immédiats… et définitifs
Premier impact : les revenus perçus pendant la période de retraite progressive. Plus celle-ci débute tôt, plus la perte est importante, car la pension versée est calculée avec une éventuelle décote. Plus le temps de travail est réduit, plus le revenu global chute. Et plus la durée de cette transition est longue, plus la baisse cumulée de revenus s’accroît. Autrement dit, opter pour une retraite progressive dès 60 ans génère une perte sensible, qui doit être anticipée.
 

Deuxième impact : la pension définitive. La retraite progressive n’interrompt pas la constitution des droits. Les assurés continuent de valider des trimestres et de générer des points de retraite complémentaire, mais sur la base d’un revenu partiel. Les droits acquis sont donc plus faibles qu’en cas de maintien à temps plein… sauf si l’employeur accepte de « surcotiser » sur la base d’un temps complet, pratique autorisée mais facultative. L’effet est alors durable : la baisse de pension se répercute pendant toute la durée de perception de la retraite, en moyenne 25 ans.
 

La réforme de 2023 a par ailleurs renforcé le droit des salariés. Alors qu’auparavant l’accord de l’employeur était indispensable, le silence vaut désormais acceptation au bout de deux mois. En cas de refus, l’entreprise doit démontrer que la demande est incompatible avec l’activité économique. Avec la transposition récente de l’Accord national interprofessionnel (ANI), les critères de refus ont été encore durcis : il faudra justifier des conséquences sur la continuité du service ou prouver l’impossibilité de recruter pour compenser la baisse d’activité. Autant dire qu’il devient de plus en plus difficile pour un employeur de s’opposer à une demande de retraite progressive.
 

Ce nouveau cadre constitue une avancée sociale en rendant la transition accessible dès 60 ans. Mais il impose une grande vigilance individuelle : simulations, arbitrages et calculs précis sont indispensables pour mesurer l’équilibre entre confort immédiat et sécurité financière future. Comme le rappellent les experts de Sapiendo, « chaque choix de retraite progressive est unique : il doit se faire en tenant compte de la durée de la période envisagée, du pourcentage de temps partiel et de la capacité de l’employeur à accompagner l’assuré ».